ENTAILLES
ET CONTREMARQUES SUR LES TETRADRACHMES ATHENIENS DU Vème SIECLE AV.
J – C : HYPOTHESE D UNE MONNAIE COMPLEMENTAIRE ACHEMENIDE.
INTRODUCTION
La
Chouette Cheveche d Athena figure incontestablement parmi les
symboles les plus connus de l Antiquité. Elle fut une des
principales caractéristiques du monnayage athenien pendant plusieurs
siècles (vraisemblablement de la fin du VIème au debut du Ier
siecle). D ailleurs, on la retrouve sur le revers de la pièce de 1
euro emise par la Grece. Le Tetradrachme athenien de type Archaique,
emis a partir des annees 520 av JC , est une piece d argent valant 4
drachmes et d'environ 17 grammes (Poids du drachme attique :
4.3 grammes). La Tete d Athéna, présentant le profil droit,
caractérise l'Avers, cette chouette et la mention ΑΘΕ
(premieres lettres grecques du nom « Athenes »)
sont présentes au Revers. L approvisionnement en argent physique
venait des mines du Laurium et vraisemblablement aussi de la
récupération du tresor de la Ligue de Délos en 454 avant J.-C. . Ce
monnayage d un fort pouvoir d achat (il correspondait a 12 jours
de travail d un ouvrier) fut produit en abondance et circula
massivement en Méditerranée orientale. C'etait la devise principale
des echanges commerciaux.
DEVELOPPEMENT
Cependant,
un petit pourcentage de ces pièces (notamment parmi les
tetradrachmes archaiques) présentent des entailles ou des
contremarques. Diverses hypothèses furent avancees pour les
expliquer, dont les principales sont :
1) -
le « test cut », ou vérification de la teneur en argent.
2) -
la démonétisation
3) -
caractériser des dons effectués aux Temples.
Aucune
de ces hypothèses ne nous satisfait pleinement et nous souhaitons en
avancer une nouvelle…. Nous pensons que ces entailles et
contremarques ont servi a identifier des pièces utilisées pour des échanges commerciaux entre Grecs et Perses (ou pour le
paiement des mercenaires grecs). Le poids du Tetradrachme
athénien correspondant a trois sicles perses, nous pensons que les
Achéménides ont aussi pu utiliser des pièces recupérées au cours
des guerres médiques, les contremarquer pour les faire circuler dans
l Empire, ou l argent physique sous toutes ses formes servait de
moyen de paiement.
Le
complexe monnayage grec antique (du chalque au statere d or) ,
et le rang de « devise internationale » du tetradrachme
athenien jusqu au IIIeme siecle avant J C contrastent severement
avec un monnayage acheménide dont la fonction était plus politique
qu economique. Le Roi Guerrier, sous la forme d un archer, etait
représenté sur les sicles en argent et les dariques en or. Un
soldat achéménide était payé un darique par mois (8.35 grammes d
or) , soit une solde de 2 sicles par jour (un darique valait 60
sicles). L Empire Achéménide était essentiellement un empire
agricole, les taxes pouvaient etre payées en produits divers.
Le déclin de l Empire perse , et sa chute au IV ème siècle furent
davantage attribués a une faible allegance des peuples conquis a la
Dynastie qu a un defaut de ressources humaines et militaires. Le
monnayage perse ne présentant pas de multiple du sicle, le
tétradrachme athenien avait alors un intérêt monetaire evident …
Limiter la circulation de l or !!! Les guerres médiques et les
echanges constant entre Perses et Grecs avaient sans aucun doute
ramener dans l Empire des Tetradrachmes à la Chouette …..
Pour
démontrer la validité de notre hypothèse et de meme invalider les
hypothèses précédentes, nous nous appuierons sur la base de
données sur internet : acsearch.info qui recense un très grand
nombre de monnaies antiques depuis de nombreuses années…. Elle
nous apparaît comme le meilleur corpus numismatique aisement
accessible…
La
base de données acsearch.info, consultée avec les termes anglais
« tetradrachm », « athena » et
« counterstamp », fait état de 8 tetradrachmes
archaiques contremarques, datant de la meme période (autour de 420
av JC). L une des marques est identifiée comme provenant de Judee ,
a l epoque sous domination acheménide. Les contremarques sont toutes
situées sur la joue d Athena, ce que contraste sensiblement avec des
entailles qui sont quasiment toutes situées au revers de la pièce.
Cela nous laisse penser que ce tetradrachme a pu circuler comme
multiple du sicle (poids d un sicle : 5.40 grammes, soit environ
le poids de l Hemistatere Lydien) …. Trois Sicles perses
representaient donc 16,20 grammes d Argent, ce qui est tres proche du
poids du Tetredrachme, surtout si on l entaille …..
L
hypothèse de la démonétisation nous apparaît contestable pour
plusieurs raisons …. Dans le sens de la numismatique moderne,
démonétiser, c est retirer la valeur faciale d une pièce. De ce
fait, lorsque la qualité de la monnaie était son poids en argent,
nous considérons le terme inadéquat et nous proposons le terme de
dechrematisation (chremata « les
richesses » en grec) pour evoquer le retrait
progressif de pièces d argent de la circulation…. L Histoire de la
numismatique fait état de nombreux paiements « anachroniques »
…. Des deniers romains ont pu circuler au Moyen Age par exemple,
pour compenser le manque de numéraire. Nous pourrions comprendre l
hypothese de la demonétisation si les pièces entaillées présentées
des défauts de poids (par exemple si on retrouvait des
tetradrachmes de 11 ou de 22 grammes), mais ce n est pas le cas. L
envergure internationale de ce tetradrachme athénien nous interpelle
aussi …. Pourquoi donc demonétiser et retirer de la circulation
une pièce d'un bon poids, universellement acceptée et surtout quand
l approvisionnement en argent physique ne fait pas defaut ??? D
un fort pouvoir d achat, ces pièces était des monnaies de
thésaurisation. Les classes sociales les plus basses n ont sans
doute pas eu souvent accès a ce monnayage. L hypothese du « Test
Cut » ou la verification de la teneur en argent nous apparaît
tout autant douteuse ….
La
base de données Acsearch.info nous mentionne plus de 8100 reférences
pour les mots cles « Tetradrachm » , « athena »
et « owl ». En rajoutant « cut » …. il ne
reste plus que 645 reférences , et plus que 296 en rajoutant la date
« 454 ». De ce fait, ces entailles ne concernent que
moins de 5 % des tetradrachmes archaiques recensees. Ce
pourcentage nous semble faible pour justifier un doute sur la qualité
de cette monnaie …. Les deniers romains « fourrés » n
arriveront que des siècles plus tard. Le Tetradrachme athenien ne
devait circuler qu aupres des classes sociales élévees . Dans ces
milieux, il est de mauvais ton de douter de la qualité de son
partenaire commercial, d autant plus en entaillant ses pièces. De
plus, les entailles ne sont pas standardisees et sont quasiment
toujours sur le revers des pièces …. Si une méthode avait été
trouvée pour vérifier la teneur en argent, celle ci aurait été
diffusee et les pièces présenteraient pour la plupart la meme forme
d entaille. L hypothèse des dons aux temples est semble t il demontée par
un article très intéressant trouvé sur le site sacra moneta (
http://www.sacra-moneta.com/Mots-generaux-Techniques-de-fabrication/Contremarques-et-monnaies-contremarquees-incusa-signa.html
) , qui définit que la plupart des trésors religieux retrouvées
étaient composées de monnaies diverses …… De plus, outre le fait
que le Tetradrachme représentait une grosse valeur (les troncs
des églises ne doivent pas abriter souvent de coupures de 100 euros
...) … Nous ne voyons pas vraiment l intérêt d entailler ses
pièces, a des fins religieuses, a moins qu elles ne durent destinées
a rassembler du métal pour créer des ornements …. L
approvisionnement en métal argent ne manquant pas a l epoque, nous
doutons de cette hypothèse. Que ces pièces aient pu etre entaillées
par les Grecs pour payer un tribut aux Perses, ou par les Perses pour
humilier les grecs nous semble tout aussi douteux !!! ….
puisque ce monnayage était le premier vrai outil de thésaurisation.
Pour conclure, si le prêt a intérêt était pratiqué massivement
a l epoque, nous ne voyons pas ce qui aurait pu pousser les
creanciers a marquer de la sorte certaines pièces ….
De
ce fait, nous avons développé notre nouvelle hypothèse en
considérant la constance des echanges gréco – achéménides. Aucune
explication « locale » a ces entailles et contremarques
ne nous semblait satisfaisante., C est bien le contraste monétaire
frappant entre la Grece et l Empire achéménide qui nous a servit Ã
etablir notre hypothèse.
CONCLUSION
De
ce fait, nous considerons que les huit mentions de tétradrachmes
atheniens archaiques contremarquées sur la base acsearch.info
représentent des multiples du sicle qui furent utilisees dans l
Empire acheménide ….. Cela nous semble expliquer la marque sur le
visage d Athena, et aussi leur extreme rareté, ils n ont pas eté
vouées a la thésaurisation.
Ces
Tetradrachmes entaillées ont dû circulé dans l Empire achémenide,
et les entailles avaient sans doute pour vocation d ajuster les
poids par rapport au sicle et eventuellement d éviter les
« querelles comptables » dans les echanges marchands
entre Perses et Grecs. Nous attribuons le choix quasi systematique
du revers pour la localisation de ces dernières a un souci
« diplomatique ». Il ne fallait pas altérer le visage
de la Deesse pour ne pas offenser ses partenaires commerciaux.
Nous
presentons ci dessous des photos de l avers et du revers d une de ses
pièces.
Un rare exemplaire issu d une collection privée et qui presente des
entailles nettes sur le coup d Athena.
Bibliographie :
-
LEVY Edmond – La Grece au Vème siècle. - Editions du
Seuil, 1995, 316 pages.
-
MOSSE Claude – Histoire d une démocratie : Athenes. -
Editions du Seuil, 1971, 188 pages.
-
HUYSE Philip – La Perse Antique. - Les Belles Lettres, 2009,
298 pages
-
ASKEW Gilbert – A catalogue of Greek coins. - Seab Ltd,
1951, 123 pages.
-
SEAR David R. - Greek coins – volume 1 Europe. - Seaby,
1978, 317 pages.
-
BOUTIN Serge. - La collection POZZI. - Louis d Or, 1992, 3
volumes.
-
CARRADICE Ian, PRICE Martin – Coinage of the Greek World. -
Seaby, 1988, 160 pages.
British
Museum Catalogue of Greek coins, Vol. 11 Attica, Megaris, Aegina,
by B. V. Head, 1888.
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